Jeudi, 28 Mars 2024
Flus RSSAccueilContactPlan du siteConnexion

Actualité des sapeurs-pompiers

[ Retour à la page précédente ]

Le 19 juillet 1904, le feu détruit Neirivue (FR)

Proposé par : admin Le 20/07/2004 à 12:10

Découvrir19 juillet 1904. Il y a cent ans, le village de Neirivue (Fribourg) était en grande partie ravagé par un incendie, le plus important de son histoire. En moins de deux heures, le village est réduit à un amas de ruines fumantes. Des habitants se souviennent de l’événement vécu par leurs parents et grands-parents.


Ce mardi 19 juillet, le feu se répand à une vitesse folle. En moins de quinze minutes, tout le village s’embrase. Il faut dire que l’été 1904 est particulièrement sec. «Depuis bien des semaines, pas une goutte d’eau n’était tombée, et chaque jour, le soleil prodiguait ses rayons brûlants», raconte le curé Rodolphe Bochud dans son opuscule L’incendie de Neirivue avant, pendant et après, édité en 1906.
L’incendie s’est déclaré peu avant cinq heures de l’après-midi. A l’origine du sinistre, il y a une jeune mère de famille, demeurant au bas du village, qui voulait faire chauffer du lait pour son enfant. «Elle se servit d’une allumette qu’elle rejeta, sans s’assurer si elle était éteinte. L’allumette tomba dans du crin végétal qu’on était en train de charponner. Ce crin s’enflamma aussitôt et se transforma en fournaise ardente», explique le curé Bochud.
«Une légère bise, comme il en fait habituellement dans les temps de sécheresse, arrivait de l’est. Elle fut la cause de la ruine complète du village», écrit Rodolphe Bochud.

Bois et tavillons
Cent ans plus tard, Jean Geinoz, un des plus vieux habitants de Neirivue, témoigne: «Il faut savoir que la plupart des maisons étaient à l’époque construites en bois et les toits étaient en tavillons. Mon papa Alphonse, qui avait 7 ans au moment de l’incendie, m’en a peu parlé. Mais, quand il était gosse, il jouait avec les enfants dans les galetas des maisons. Les combles communiquaient les uns aux autres sur plus de cent mètres.»
Françoise Jolliet, 84 ans, une autre habitante se souvient: «Ma maman Alice avait 8 ans lors de l’incendie. Elle m’a expliqué l’affolement des gens quand le feu a pris. Elle habitait au fond du village, au lieu-dit Au coin des chèvres, pas loin du lieu où le feu a pris. Ma grand-mère a emmené sa fille Alice et son fils, mon oncle Emile, avant de partir derrière l’église et de longer le chemin devant la cure. La famille a quitté Neirivue pour se rendre chez Clémentine Castella, la cousine d’Albeuve.» Il faut peu de temps pour faire ce parcours et alors que la famille quitte le village en feu, «Maman s’est retournée pour voir le clocher de l’église qui tombait. Vous vous rendez compte à quelle vitesse ça a brûlé!» témoigne Françoise, ses yeux bleus baignés d’humidité.

Les hommes fanaient
L’incendie s’est déclaré au moment où tous les hommes fanaient les communs aux Chaux derrière l’Evi. «Ils ont cru que l’incendie était à Grandvillard. Ils sont descendus pour porter secours. Mais c’est en arrivant à la sortie des gorges de l’Evi qu’ils ont vu ce qui se passait», raconte Françoise Jolliet. Au village, il ne restait que des enfants, des personnes âgées et des femmes. Quelques personnes ont tenté vainement d’éteindre le sinistre.
Alertés par téléphone, les pompiers sont mobilisés. Toutes les pompes de Bulle, Botterens, de l’Intyamon et Château-d’Œx sont réquisitionnées. La Gruyère de l’époque en recense pas moins de dix-huit. Les pompiers se bornent à protéger les maisons situées hors de la localité, côté Albeuve.

L’incendie ne fait aucune victime, mais les dégâts sont énormes: 95 bâtiments détruits, 51 familles sans abri, alors que le village compte 64 ménages. Toutes les récoltes sont anéanties. Les dégâts sont estimés à un million de francs de l’époque. Les troupeaux, à l’alpage, ne sont pas inquiétés, hormis quelques pièces de menu bétail.
Les sinistrés sont recueillis dans leurs familles et par des connaissances dans les communes voisines d’Albeuve, Lessoc, Villars-sous-Mont et Grandvillard. Dès le 21 juillet 1904, la presse fribourgeoise parle du «terrible désastre» de Neirivue et les dons affluent. Il y a un immense élan de solidarité de tout le canton de Fribourg, mais aussi des cantons voisins (Vaud en particulier), du Valais et même de France. Sur le million de francs de dégâts, les assurances s’acquittent d’un montant de 350000 francs.
Les dons en argent produisent plus de 108000 francs et les dons en nature représentent une valeur de 25000 à 30000 francs. Ce qui fait une perte pour les gens de Neirivue d’un demi-million de francs. Les propriétaires ne sont pas ou peu assurés, comme c’est le cas de la paroisse qui venait de restaurer en 1897 son église. Ils devront s’endetter pour reconstruire leurs maisons. C’est chose faite deux ans plus tard, écrit le curé Rodolphe Bochud: en 1906, le village compte 54 familles à résidence fixe, pour quelque 300 habitants, autant qu’avant l’incendie.

Messe commémorative
Dans le courant de l’automne, la communauté de Neirivue commémora les cent ans de l’incendie, annonce Pierre Geinoz, syndic de la commune de Haut-Intyamon et ancien syndic de Neivivue. La paroisse fera dire une messe et la Société d’intérêt de Neirivue et Villars-sous-Mont organisera un apéritif.

Des maisons épargnées
Toutes les maisons n’ont pas brûlé en juillet 1904. Dans l’une d’entre elles, la famille Castella a mis au jour un four à pain en bon état de conservation. Maurice Castella, le fils de Jean et Marguerite, le rénove ces jours, durant ses vacances. Le four a été découvert lors de travaux dans la maison qui doit dater d’au moins deux cents ans. «En enlevant le potager à bois, nous avons découvert le four. C’est un patrimoine que nous voulons conserver. Nous allons le remettre en fonction. Le but est de faire une première pizza ou du pain dans le courant de l’automne», explique Maurice Castella.

Pas la première fois
A Neirivue, quelques bâtiments ont été épargnés par les flammes il y a cent ans. Les pompes venues à la rescousse ont pu protéger des immeubles comme la maison Doutaz se trouvant derrière le chalet du syndic Pierre Geinoz. Idem pour la maison de la Prêle et «la maison neuve du Planchamp», écrit le curé Rodolphe Bochud dans sa brochure de 1906, sans oublier le vieux moulin et la grange de la cure.
Le quartier près de la gare a également été épargné par les flammes. Tout comme la maison qu’habite aujourd’hui Françoise Jolliet: «C’est mon arrière-grand-père, Anselme Castella, qui l’a construite en 1856. Elle n’a pas brûlé, car elle était en pierre, avec un toit d’ardoise.»
La défense-incendie existait déjà à l’époque. Mais compte tenu des matériaux employés (bois et tavillons), le feu avait beau jeu d’anéantir les bâtiments lors de gros sinistres. Les incendies furent légion dans le sud du canton au XIXe et jusqu’au début du XXe siècle. Neirivue connut ainsi plusieurs incendies avant celui de 1904.
Sensibilisée par les incendies d’Albeuve en 1876 et de Broc en 1890, la commune de Neirivue accorda des subsides, dans la phase de reconstruction, aux particuliers qui couvraient leur toit en matériaux incombustibles.

D’autres incendies

Les incendies ravageurs ont été légion aux XIXe et XXe siècles dans le canton de Fribourg et en Gruyère. Il y a eu l’incendie dramatique de Bulle, en 1805, qui a détruit 134 bâtiments. Il n’y avait pas d’assurance à l’époque et des quêtes ont été organisées au-delà des frontières nationales. D’autres communes ont connu de grands incendies: Romont en 1843, Albeuve en 1876, Broc en 1890, Neirivue en 1904 ou encore Planfayon en 1906.

 

Christophe Schaller - La Gruyère

Le 19 juillet 1904, le feu détruit Neirivue (FR)

Les commentaires anonymes ne sont pas autorisés, veuillez vous enregistrer

Les commentaires sont la propriété de leurs auteurs. Nous ne sommes pas responsables de leurs contenus !